Babisme

Le babisme ou la foi babie est un mouvement religieux réformateur et millénariste fondé en Perse le 23 mai 1844, par un jeune commerçant de la ville de Chiraz, appelé Siyyid ‘Alí Muḥammad Sh írází et surnommé le Báb.



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Babisme - Courant musulman - Islam - Religion monothéiste

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Définitions :

  • Doctrine religieuse du Bab, chef religieux iranien du début du XIXe siècle, préconisant une réforme mystique, libérale et égalitaire de l&... (source : le.boudarat.over-blog)
Mausolée du Báb sur le Mont Carmel (Haïfa, Israël)

Le babisme ou la foi babie (perse : ???? ?? = Bábí há) est un mouvement religieux réformateur et millénariste fondé en Perse le 23 mai 1844 (5 Jamádíyu'l-Avval 1260 ap. H. ), par un jeune commerçant de la ville de Chiraz, appelé Siyyid ‘Alí Muḥammad Shírází (1819-1850) et surnommé le Báb (arabe : "???" = "la Porte").

Pour les musulmans, c'est une dérive sectaire du chiisme duodécimain, qui s'est égarée hors de l'islam. Pour ses adeptes, appelés les babis, et pour les baha'is, elle fait partie des religions révélées de la lignée abrahamique comme le judaïsme, le christianisme et l'islam, mais elle est indépendante de ces dernières avec son propre prophète, ses propres livres saints et ses propres lois.

Ce mouvement messianique fut la cause d'un grand bouleversement dans la société persane du XIXe siècle. Perçu tout d'abord comme une simple tentative de réforme de la société, le babisme se révéla ensuite être en fait l'apparition d'une nouvelle religion indépendante de l'islam et se répandit rapidement à travers la Perse, touchant l'ensemble des couches de la population, du plus humble paysan au plus éminent lettré. Le clergé chiite associé au gouvernement persan réagit à cette remise en cause de l'islam respectant les traditions et de son autorité par une persécution féroce en martyrisant des dizaines de milliers de babis.

Environnement social

La dynastie Qajar, fondée en 1794, venait de réussir à restaurer l'unité nationale et s'apprêtait à entamer des réformes pour moderniser le pays sous la pression de la Russie au nord et de la Grande-Bretagne à l'est , qui s'opposaient dans le Grand Jeu géostratégique pour la domination de la région. Avec l'arrivée au pouvoir des Qajars, les commerçants du bazar (bazarí) et les dignitaires religieux (oulémas) chiites acquirent influence et pouvoir au sein d'une société restée féodale et soumise au clientélisme, au népotisme ainsi qu'à la corruption.

Le milieu du XIXe siècle fut une période d'intenses espoirs de voir se réaliser une ère messianique, autant parmi les chrétiens (comme avec les adventistes) que les musulmans (comme avec le shaykhisme).

Ceux-ci attendent selon leurs traditions la venue, avant le "Jour de la Résurrection et du Jugement", d'une sorte de "messie" nommé Al-Mihdí (en arabe : ?????????, ce qui veut dire "le bien guidé") par les sunnites et Al-Qá'im (en arabe : ??????, ce qui veut dire "celui qui se lèvera" ou le "résurrecteur") par les chiites, qui l'identifient avec le retour de "l'imam caché". Le Coran ne parle pas de cet homme, mais de multiples traditions rapportent les paroles de Mahomet (v570-632) le décrivent, comme celle-ci : "Dieu fera ressortir de la cachette Al Mihdí de ma famille et juste avant le Jour du Jugement ; même si un jour restait dans la durée du monde et il répandra sur terre justice et égalité, et éradiquera la tyrannie et l'oppression. "[1].

Shaykh Aḥmad-i-Aḥsá'í (1753-1826) était un théologien chiite venant de Bahrein, qui fonda au XVIIIe siècle en Perse et en Iraq une école religieuse, dont les membres étaient nommés Shaykhí et attendaient résolument la réapparition prochaine du Qá'im. Après son décès, c'est son disciple Siyyid Káẓim-i-Rashtí (1793-1843), qui prit la direction de l'école et promit à ses disciples que la naissance du Qá'im était imminente. Il ne désigna pas de successeur et juste avant de mourir il leur ordonna de se mettre à la recherche du "Promis" à travers toute la Perse. C'est ainsi que Mullá Ḥusayn-i-Bushru'í (1813-1849) se mit en route après 40 jours de prière et de jeûne et rencontra finalement à Chiraz le Báb, dont il devint le premier disciple[2].

Enseignements du Báb

Da'ira babi contenant des annotations de la main du Báb

Malgré sa jeunesse et la brièveté de sa vie missionnaire, le Báb révéla l'équivalent de 500 000 versets, dont la plus grande partie a été perdue.

"Voici qu'environ cent mille lignes identiques à ces versets se sont répandus parmi les hommes, sans compter les prières invocatrices et les questions concernant la science et la philosophie[3]. Considère toujours le sujet du "Point du Bayán" (le Báb). Ceux qui le connaissent savent quel est son rang avant la Révélation; mais après la Révélation, et quoique jusqu'à actuellement il ait révélé plus de cinq cent mille versets sur divers thèmes, on parle cependant contre lui avec des mots tels que la plume refuse de les répéter[4]. L'univers cependant n'a jamais vu ni éprouvé une bonté comparable à celle qui émane actuellement des Paroles divines, comme les pluies d'avril des nuages du Miséricordieux; car les plus grands Prophètes, dont le caractère divin et la gloire brillent comme le Soleil, n'ont apporté qu'un seul Livre dont les versets sont connus de tous. Tandis que, de ce nuage de la miséricorde divine, il a été révélé tellement d'ouvrages que nul ne peut les compter. On n'en connaît jusqu'ici qu'une vingtaine de volumes, mais combien y en a-t-il qui ne nous sont pas parvenus, ou qui sont tombés entre les mains des ennemis qui en ont fait ce que personne ne sait !"[5]

Epître de la main du Báb sous forme d'étoile Haykal

Dans son ouvrage intitulé "Sources for Early Bab Doctrine and History", Denis MacEoin décrit la plupart des œuvres du Báb toujours disponibles, dont voici une liste incomplète classée approximativement par ordre chronologique :

le "Promis" de l'islam

Le Báb déclara en plusieurs occasions qu'il était le "Promis" attendu par les musulmans à la "fin des temps" (Al-Mihdí ou Al-Qá'im, le "retour de l'imam caché")  :

Le premier titre que prit `Alí-Muḥammad-i-Shírází fut celui de Al-Báb, ce qui veut dire "la porte" en arabe. Ce titre fut la cause d'une méprise de la part des chiites sur ses prétentions. Comme les quatre messagers, qui servirent de lien entre les croyants et "l'imam caché" durant la "petite occultation" (Ghaybatu'ṣ-Ṣughrá, 874-940), portaient le titre de Báb et que selon un hadith [6]Mahomet aurait dit qu'il était "la cité du savoir dont `Alí était est la porte", ils considérèrent le Báb comme un intermédiaire entre eux et "l'imam caché", dont ils attendaient le retour. C'est pour cela qu'ils accueillirent favorablement comme une rétractation ces paroles prononcées par le Báb lors de son interrogatoire à Shíráz en 1845 :

Le Báb, regardant l'assemblée, déclara : "Que la malédiction de Dieu soit sur celui qui me considère comme le représentant de l'imam ou comme l'intermédiaire entre ce dernier et les fidèles. Que la malédiction de Dieu soit aussi sur celui qui m'accuse d'avoir nié l'unité de Dieu et dénoncé le rang de Mahomet comme prophète, sceau des prophètes, d'avoir rejeté la vérité d'un quelconque messager du passé, ou d'avoir refusé de reconnaître le gardiennat d'`Alí, le commandeur de la foi ou de tout imám qui lui a succédé. " Il monta alors sur la marche supérieure du mihráb, embrassa l'imám-jum'ih puis redescendit et alla rejoindre les fidèles pour accomplir la prière du vendredi. [7]

En fait ce qu'il affirma, ce n'était pas qu'il était la "porte" du Qá'im mais ce "Promis" lui-même, la "Porte de Dieu" (??? ???? Báb'u'lláh) [8] ! Voici la déclaration qu'il fit lors de son procès à Tabríz en 1848 :

A son arrivée, le Báb vit que l'ensemble des sièges étaient occupés dans la salle, sauf celui qui était destiné au valí-'ahd. Il salua l'assemblée et , sans la moindre hésitation, alla occuper cette place vacante. La majesté de son allure, l'expression de confiance qui se lisait sur son front et , en particulier, l'esprit de puissance que rayonnait tout son être semblèrent avoir, pendant un moment, étouffé l'âme de ceux qu'il avait salués. Un silence profond et mystérieux les envahit tout à coup. Pas une seule âme, parmi cette éminente assemblée n'osa souffler mot. Finalement, le silence qui les avait saisis fut rompu par le nizámu'l-'ulamâ'. "Pour qui vous prenez-vous ?" demanda-t-il au Báb, "et quel est le message que vous avez apporté?" "Je suis", s'exclama trois fois le Báb, "je suis, je suis le Promis! Je suis celui dont vous avez invoqué le nom pendant un millier d'années, celui à la mention de qui vous vous êtes levés, celui dont vous avez désiré l'avènement et celui, enfin, dont vous avez demandé à Dieu de hâter l'heure de la révélation. En vérité je le dis, il incombe aux peuples de l'Orient comme à ceux de l'Occident d'obéir à ma parole et de prêter serment d'allégeance à ma personne. "[9]

Il revendiqua aussi le même rang que celui de Mahomet par des titres comme le "Premier Point" (Nuqṭiy-i-Ulà) [10], car c'est de ce "point" que proviennent l'ensemble des lettres du Livre et tout ce qui est créé. Jésus est pour les chrétiens le "Verbe fait chair" et Mahomet est pour les musulmans un "Coran qui marche"... pour ses disciples, le Báb est aussi la manifestation de la parole divine, le "Point du Bayán" (Nuqṭiy-i-Bayán), celui d'un ouvrage saint pour notre époque, et ses premiers disciples sont les "Lettres du Vivant" (???? ???? Ḥurúfu'l-Ḥayy). Il se considère comme une "Manifestation de Dieu" (en persan Maẓhar-i-iláhí, le lieu de la manifestation des qualités divines, dans un "temple humain") et les babis le désignaient aussi par les titres Ḥazrat-i-A'lá ("présence suprême"), Jamál-I-Mubárak ("beauté bénie"), Ḥaqq Ta'álá ("vérité tout-puissante"), Ṣáḥibu'z-Zamán ("seigneur de l'ère"), Dhikr'u'lláh ("souvenir de Dieu") et Qurrat'ul `Ayn ("consolation des yeux").

le "Jour du Jugement"

L'œuvre de Báb abonde en commentaires et en explications sur les écrits religieux islamiques, comme dans son premier ouvrage intitulé Qayyúmu'l-Asmá', qui est un commentaire de la sourate de Joseph révélé en 1844, ou dans son Bayán révélé en 1847-1848, qui est une "explication" du Coran[11].

Le Báb enseigne que les notions de "résurrection", de "jour du jugement", de "paradis" et d'"enfer", utilisées dans les prophéties chiites sur la "fin des temps", doivent être comprises de manière métaphorique :

Le Báb écrit dans son Bayán persan qu'Adam n'était pas le premier homme et que d'innombrables générations humaines vécurent avant lui. Adam est selon lui le premier prophète d'un cycle de l'humanité, le "cycle prophétique", qui a commencé 12210 années avant la venue du Báb[17] et s'est achevé avec la révélation de Mahomet désigné par le Coran[18] comme le "Sceau des prophètes" (Khátam an-Nabiyyín) [19].

Comme l'indique en arabe son nom "???" (b-a-b = porte), le Báb déclara être la "porte", la charnière ou "l'intermonde" (barzakh), entre deux cycles spirituels de l'humanité : le "cycle prophétique" avant lui et après lui le "cycle de la splendeur" (bahá') de l'accomplissement des prophéties, qui débute avec "Celui que Dieu rendra manifeste" et se poursuivra dans le futur avec d'autres "Manifestations" de Dieu successives[20]. Lorsque le Báb envoya ses disciples à travers la Perse pour annoncer son message de la "Bonne Nouvelle" de l'aube d'une nouvelle ère, il s'adressa ainsi à eux dans son "épître aux Lettres du Vivant" :

Je vous prépare pour la venue d'un grand Jour. Déployez tous vos efforts pour que dans le monde à venir, moi qui vous instruis actuellement, je puisse, devant le trône de miséricorde divine, me réjouir de vos actes et me glorifier de vos exploits. Nul ne connaît toujours le secret du Jour qui doit venir. Il ne peut être divulgué et nul ne peut s'en faire une idée. L'enfant nouveau-né de ce Jour sera plus avancé que les hommes les plus sages et les plus vénérables de notre temps. Le plus humble, le plus ignorant de cette époque-là surpassera en connaissances les théologiens les plus érudits et les plus accomplis aujourd'hui. Dispersez-vous en tous sens à travers ce pays et , d'un pied ferme, d'un cœur sanctifié, préparez la voie pour Sa venue. Ne contemplez pas votre faiblesse et votre fragilité ! Fixez votre regard sur le pouvoir invincible du Seigneur, votre Dieu tout puissant ![21]

"Celui que Dieu rendra manifeste"

Le Báb annonce dans ses écrits la venue après lui de "Celui que Dieu rendra manifeste" (Man yuẓhiruhu'lláh, en arabe : ?? ???? ????‎ et en persan : ???? ????? ????‎). Ce sera un être si glorieux, que le Báb lui-même affirme ne pas pouvoir décrire convenablement ses qualités : "De l'ensemble des hommages que j'ai rendus à celui qui doit venir après moi, en voici le plus grand : mon aveu écrit qu'aucune de mes paroles ne peut le décrire correctement, et qu'aucune référence à lui dans mon livre, le Bayán, ne peut rendre justice à sa cause. "

Le Livre saint et les lois révélés par le Báb seront alors remplacés par le Livre saint et les lois révélées par "Celui que Dieu rendra manifeste" au second "Jour de la Résurrection"[22].

Dans ses écrits, le Báb fait allusion à l'importance des "neuvième" (1269 ap. H. ) et "dix-neuvième" (1279 ap. H. ) années après l'apparition du babisme en 1844 (1260 ap. H. ), ainsi qu'aux limites temporelles indiquées sous le nom de Ghiyáth (????) et Mustagháth (??????), dont la valeur selon la numération Abjad sont respectivement de 1511 et de 2001[23].

épître de la main-même du Báb à "Celui que Dieu rendra manifeste"

"Dans l'année neuf", a-t-Il [le Báb] écrit de manière explicite, faisant allusion à la date de l'avènement de la Révélation promise, "vous atteindrez au bien suprême". "Dans l'année neuf, vous arriverez à la présence de Dieu. " Et plus loin : "Après Ḥín (dont la valeur numérique est 68), une Cause vous sera révélée que vous serez amenés à connaître. " Il a déclaré surtout : "Ce n'est qu'après l'expiration de neuf années après l'apparition de cette Cause que les réalités des choses créées seront rendues manifestes. Tout ce que tu as vu jusqu'ici n'est que la phase qui débute avec le germe humide et continue jusqu'à ce que Nous l'ayons revêtu de chair. Sois patient jusqu'à ce que tu contemples une nouvelle création. Dis : Que Dieu, le Créateur parfait par excellence, en soit béni. " "Attends", déclare-t-il à ‘Aẓím, "jusqu'à l'expiration de neuf années après la Révélation du Bayán. Puis proclame : Pour cela, béni soit Dieu, le Créateur parfait entre tous. " Faisant allusion, dans un passage remarquable à l'an dix-neuf, Il a donné cet avertissement : "Soyez vigilants depuis l'apparition de la Révélation jusqu'au nombre de Vàhid (19) et au commencement de l'année quatre-vingts (1280 après l'Hégire). " "S'Il devait apparaître en cet instant même", a-t-Il affirmé dans son ardeur à assurer que l'imminence de la Révélation promise ne devait pas écarter les hommes du Promis, "je serais le premier à l'adorer ainsi qu'à me prosterner devant Lui. "[24]

Lois du Báb abrogeant la charia

Le babisme se sépara clairement de l'islam après la Conférence de Badasht du 26 juin 1848 au 17 juillet 1848. À partir de ce moment, le Bayán remplaça le Coran pour les babis et sa loi abrogea celle de la charia[25].

Parmi les nouvelles lois se trouvent le changement de la Qiblih (la direction vers laquelle les croyants doivent se tourner pour accomplir le rite de la prière) de la Ka'bih de La Mecque à la maison du Báb à Shíráz et l'abandon du calendrier islamique lunaire au profit d'un nouveau calendrier solaire nommé calendrier Badí‘. Ce dernier consiste en 19 mois de 19 jours (361) portant des "noms de Dieu", auxquels on ajoute 4 ou 5 jours intercalaires pour le faire coïncider avec le cycle solaire de 365.25 jours, dont le premier jour est Naw-Rúz et dont le dernier mois est consacré au jeûne.

Le Báb révéla aussi un ensemble de rites et de lois, fréquemment non totalement mis en pratique[26], et parmi lesquels on trouve :

Ces lois semblent modernes et tolérantes mais il existent aussi d'autres lois, qui frappent par leur sévérité envers ceux qui ne sont pas babis :

D'autres rites concernent le pèlerinage, le jeûne, les funérailles, l'usage des bagues et des parfums. Denis MacEoin écrit que cette législation n'est pas conçue pour être appliquée "à la lettre", mais que le Báb, conscient de la naissance prochaine de "Celui que Dieu rendra manifeste", visait essentiellement à préparer les gens à sa venue en rénovant et revivifiant la société persane par des actes symboliques forts abolissant la loi islamique traditionnelle[27].

Chronologie de la dispensation du Báb

Muḥammad Sháh Qájár
Náṣiri'd-Dín-Sháh Qájár

1844 (1260 ap. H. ) est l'année où le Báb déclara qu'il était le "Promis" de l'islam, dans la nuit du 22 au 23 mai à Mullá Ḥusayn-i-Bushru'í, qui devint son premier disciple et qu'il appela la première des "Lettres du Vivant" mais aussi "la porte de la Porte" (Bábu'l-Báb) [28]. Après avoir été reconnu par les 18 "Lettres du Vivant", il envoya annoncer son message à travers la Perse, tandis qu'il se rendit en pèlerinage à La Mecque avec Mullá Muḥammad ‘Alí-i-Bárfurúsh (1820-1849, surnommé Quddús) pour y déclarer solennellement sa mission. Le voyage et l'accueil qu'il y reçut lui laissèrent des souvenirs amers, mais il put écrire une lettre au chérif de La Mecque et recevoir l'allégeance de disciples à la Ka'bih[29].

1845 vit le retour du Báb en Perse et les premières persécutions. Le Báb dut renoncer à se rendre à la ville sainte de Karbilá et on l'arrêta pour le forcer à renier ses prétentions[30].

En 1846, le Báb réussit à quitter Shíráz pour trouver refuge en mars à Iṣfáhán, où le gouverneur de la ville Manúchihr Khán le protégea jusqu'à sa mort en 1847[31].

En 1847, le Báb demanda à être reçu en audience par le roi de Perse Muḥammad Sháh Qájár (1810-1848) dans la capitale de Téhéran (Ṭihrán), mais juste avant d'y parvenir il fut emprisonné en Azerbaïdjan dans la citadelle montagnarde de Máh-Kú, où il rédigea son Bayán persan[32].

Le 10 avril 1848, il fut transféré à la forteresse de Chihríq sur l'ordre du grand vizir Ḥájí Mírzá Áqásí, pour contrecarrer l'influence grandissante du Báb[33]. Du 26 juin au 17 juillet les babis tinrent la conférence de Badasht, qui marqua la séparation définitive du babisme d'avec l'islam[34]. En juillet, le Báb fut jugé à Tabríz, où il confirma publiquement ses revendications, essuyant en retour moqueries et bastonnade[35]. Le 21 juillet 1848, Mullá Ḥusayn-i-Bushru'í leva au Mázindarán "l'étendard noir" de la "guerre sainte" et marcha sur la ville de Mashhad à la tête de 200 babis[36]. Cela déboucha sur le siège du mausolée de Shaykh Ṭabarsí, où les babis se retranchèrent à partir du 10 octobre 1848.

Le 10 mai 1849, les babis assiégés se rendirent finalement après 7 mois d'une résistance héroïque face aux troupes gouvernementales commandées par le prince Mihdí Qulí Mirzá, qui s'empressa de renier sa promesse faite sur le Coran et d'exterminer les prisonniers[37]. Le Báb fut tellement affecté par le cruel supplice infligé à Quddús, qu'il resta plusieurs mois sans rien écrire. Il rédigea finalement un testament dans lequel il désignait Mírzá Yaḥyá-i-Núrí (1831-1912) comme son successeur à la tête de la communauté babie en attendant la venue de "Celui que Dieu rendra manifeste"[38].

1850 vit la rébellion et le massacre des babis de Nayríz dans la province du Fárs[39] et le conflit de Zanján. Le 9 juillet 1850 à midi, le Báb fut publiquement fusillé dans la cour de la caserne de Tabríz sur l'ordre du grand vizir Mírzá Taqí Khán (1807-1852). La première salve d'un régiment arménien chrétien ne fit que couper ses liens en le laissant indemne. Devant un tel prodige, le colonel chrétien Sám Khán refusa de faire tirer une nouvelle salve et quitta la caserne sur le champ avec son régiment. C'est un régiment musulman azéri commandé par le colonel Áqá Ján Big qui se chargea de tirer la seconde salve mortelle[40]. Les restes du Báb furent jetés dans un fossé hors de la ville. Les babis s'en emparèrent subrepticement de nuit pour les cacher jusqu'à leur transfert en Palestine, où ils furent déposés en 1909 dans le Mausolée du Báb du Mont Carmel.

1851 vit l'insurrection babie de Zanján noyée dans le sang[41].

Le 15 août 1852, trois babis attentèrent sans succès à la vie du jeune roi de Perse Náṣiri'd-Dín-Sháh Qájár (1831-1896). Cet acte fut la justification d'une persécution généralisée contre le mouvement babi, dont de nombreux dirigeants furent tués comme Fáṭimih Baraghání (1817-1852, surnommée Ṭáhirih, la "Pure") et Siyyid Ḥusayn-i-Yazdí, ou emprisonnés dans la cachot souterrain du Síyáh-Chál comme Mírzá Ḥusayn ‘Alí Núrí (1817-1892, surnommé Bahá'u'lláh, la "splendeur de Dieu") [42]. C'est enchaîné dans l'obscurité, le froid et la puanteur de ce cachot, qu'il vécut une expérience mystique lui faisant prendre conscience qu'il était "Celui que Dieu rendra manifeste"[43]. Comme Bahá'u'lláh bénéficiait de puissantes protections, ses ennemis hésitèrent à le tuer comme les autres babis et décidèrent de confisquer tous ses biens puis de l'exiler avec sa famille le plus loin envisageable en espérant sa mort.

1853 fut l'année où Bahá'u'lláh débuta son exil de 40 ans avec sa famille et ses compagnons. Lorsqu'il arriva à Baghdád le 8 avril 1853, il trouva la communauté des réfugiés babis dans la plus grande confusion et la plus grande misère. Son demi-frère Mírzá Yaḥyá Núrí, que le Báb avec désigné comme "chef" des babis dans son testament (Lawḥ-i-Vasaya), avait réussi à fuir la sanglante répression des babis à Tákur ainsi qu'à atteindre Baghdád, où il vivait caché sous le nom de Ḥájí'Alíy-i-lás Furúsh. Comme le décret d'exil signé par le roi de Perse Náṣiri'd-Dín Sháh Qájár ne le concernait pas, Bahá'u'lláh le pria de retourner en Perse pour y faire connaître le message du Báb et servir la Foi. Mais il n'en fit rien et , sous l'influence de Siyyid Muḥammad-i-Iṣfáhání, il commença à jalouser la renommée de Bahá'u'lláh, qui ne faisait que croître parmi la communauté après la révélation de "l'épître de Toutes Nourritures" (Lawḥ-i-Kullu'ṭ Ṭa'ám) [44].

Le 10 avril 1854, Bahá'u'lláh se retira dans les montagnes du Kurdistan près de Sulaymáníyyih pour vivre en ermite loin des querelles partisanes. Il ne revint que deux années plus tard à la demande des babis, 19 mars 1856, pour reprendre la direction de la communauté agonisante[45].

Après dix ans d'exil à Baghdád, la renommée et l'influence de Bahá'u'lláh s'étaient énormément accrues, au point d'alarmer ses ennemis qui prièrent le gouvernement ottoman de l'exiler toujours plus loin. En réponse à cette requête, le grand vizir `Alí Páshá (1815-1871) et le ministre des Affaires étrangères Fu'ád Páshá (1815-1869), qui dirigeaient conjointement l'Empire ottoman, envoyèrent à Bahá'u'lláh la ferme invitation de se rendre à Constantinople. C'est juste au moment de partir, fin avril 1863 dans les jardins de Riḍván, que Bahá'u'lláh déclara à son entourage qu'il était "Celui que Dieu rendra manifeste" annoncé par le Báb[46].

Naissance de la foi bahá'íe

Testament du Báb

En 1849, quelques temps après le martyre de Quddús, le Báb écrivit une tablette intitulée Lawḥ-i-Vasaya et qui reconnue comme son testament. Dans cette lettre, il nommait son disciple Mírzá Yaḥyá Núrí (surnommé Ṣubḥ-i-Azal, "matin d'éternité") comme chef nominal de la communauté babie après sa mort avec pour consignes[47] :

Le 4 août 1980, la Maison universelle de Justice écrivit à un baha'i au sujet du rang de Mírzá Yaḥyá, que le Báb n'avait pas appelé en lui un vrai successeur, comparable à Saint-Pierre, à l'imám `Alí ou à `Abdu'l-Bahá, mais plutôt un dirigeant ou un administrateur de la communauté babie jusqu'à la naissance de "Celui que Dieu rendra manifeste", dont il savait la venue imminente[48].

Schisme entre baha'is et azalis

Après le martyre du Báb en 1850, plusieurs babis déclarèrent être "Celui que Dieu rendra manifeste" annoncé par le Báb, mais aucun ne réussit à convaincre la communauté babie de la justesse de ses prétentions et quelques uns se rétractèrent ensuite.

Ṣubḥ-i-Azal vers 1868

Bahá'u'lláh reçut la révélation qu'il était cette personne lors d'une expérience mystique qu'il vécut fin 1852 dans le cachot souterrain du Síyáh-Chál, mais il ne l'annonça à son entourage qu'en 1863 au moment de partir pour son exil à Constantinople. Cette annonce fut acceptée par énormément de babis, qui gardaient en mémoire les avertissements du Báb au sujet des années "neuf" (1852) et "dix-neuf" (1863) après l'apparition de la dispensation babie. Mais certains refusèrent en estimant qu'elle était bien trop précoce comparés aux valeurs numériques des termes Ghiyáth (1511) kaj Mustagháth (2001) donnés aussi par le Báb.

Au cours de la seconde année de l'exil à Andrinople, Mírzá Yaḥyá se rebella contre l'autorité de Bahá'u'lláh, intrigua auprès des autorités turques, complota contre lui et essaya plusieurs fois de le tuer, surtout en l'empoisonnant. Il s'en suivit finalement un schisme entre "baha'is", partisans de Bahá'u'lláh et "azalis" soutenant Ṣubḥ-i-Azal. Ce qu'on nomme la "Plus Grande Séparation" devint officielle en septembre 1867, et peu de temps après Bahá'u'lláh révéla son "Merveilleux Livre Nouveau" (Kitáb-i-Badí`) pour réfuter les arguments de ses opposants désignés comme la "Peuple du Bayán" (Ahl-i-Bayán) et en particulier de Siyyid Muḥammad-i-Iṣfahání[49].

Ce conflit, quelquefois sanglant et meurtrier, indisposa la Sublime Porte ottomane qui décida en 1868 de les exiler séparément à Saint-Jean-d'Acre en Israël ainsi qu'à Famagouste dans l'île de Chypre. Baha'u'llah s'éteignit à Saint-Jean-d'Acre le 29 mai 1892 et la religion indépendante (la foi bahá'íe) qu'il a fondé à partir du babisme s'est répandue et s'est organisée à travers le monde. Ṣubḥ-i-Azal s'éteignit à Famagouste le 9 avril 1912 et sa communauté périclita au cours du XXe siècle, en ayant cependant joué un certain rôle dans la révolution constitutionnelle perse de 1905 à 1909. Il ne reste aujourd'hui que quelques milliers de babis-azalis sans véritable organisation, essentiellement en Iran et en Ouzbékistan[50] [51].

Rang du Báb dans la foi bahá'íe

Les baha'is furent accusés par les azalis de renier le message du Báb et d'abaisser son rang. Bahá'u'lláh indique néenmoins que le Báb est une "Manifestation de Dieu" douée d'immuabilité, identique aux autres grands fondateurs de religion comme Moïse, Jésus ou Mahomet, et que la durée extragénéralement courte de sa mission est "un mystère tel qu'aucun esprit de peut la sonder[52]. Shoghi Effendi (1897-1957), le "Gardien de la Cause de Dieu" (Valí Amr'ulláh) explique qu'il est le héraut annoncé dans les écrits saints du passé :

Lui, le "Qá'im" (Celui qui s'élève) promis aux shí'ahs, le "Mihdí" (Celui qui est guidé) attendu par les Sunnís, le "Retour de Saint Jean Baptiste" espéré par les Chrétiens, le "Úshídar-Máh" auquel les écritures zoroastriennes font allusion, le "Retour d'Elie" escompté par les Juifs, dont la Révélation devait présenter "les signes et les preuves de l'ensemble des Prophètes", qui devait "manifester la perfection de Moïse, le rayonnement de Jésus et la patience de Job", Celui-là avait paru et proclamé sa Cause, puis Il était mort glorieusement après d'impitoyables persécutions. Le "Second Malheur" dont il est parlé dans l'Apocalypse de Saint Jean l'Évangéliste était enfin arrivé, et la premier des deux "Messagers", dont la naissance est annoncée dans le Qur'án, avait été envoyé sur Terre. La première "Sonnerie de Trompette" conçue pour frapper la terre d'extermination, comme l'annonce ce dernier Livre, avait enfin retenti[53].

Notes et références

  1. Musnad Ahmad ibn Hanbal, Vol 1. p 99
  2. Muḥammad-i-Zarandí : "Chronique de Nabil", chapitres 1 et 2
  3. Al-Báb : "Bayán Persan", vol. 1 p. 43
  4. Al-Báb : "Bayán Persan", vol. 3 p. 113
  5. Bahá'u'lláh : Kitáb-i-Íqán ("Livre de la certitude"), pp. 103-104
  6. site al-islam. org sur la "cité du savoir"
  7. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 8, p. 147
  8. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 3, p. 60
  9. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 18, pp. 299-300
  10. Sélections des Écrits du Báb, p. 11, extrait de l'épître à Muḥammad Sháh
  11. Voir le Qur'án 75/16-19, où il est écrit qu'après avoir envoyé la "récitation" (Qur'án), Dieu se chargera d'envoyer son "explication" (Bayán)
  12. Al-Báb : Bayán Persan, 2/7
  13. Al-Báb : Bayán Persan, 8/9
  14. Sélection des écrits du Bab, 129/32-37
  15. Al-Báb : Bayán Persan 5/19
  16. Al-Báb : Bayán Persan, 2/16 et 5/19
  17. Al-Báb : Bayán Persan, 3/13
  18. Coran 33/40
  19. Sélection des écrits de Bab, 129/61-62
  20. Al-Báb : Bayán Persan, 7/13
  21. Épître du Bab aux "Lettres du Vivant"
  22. Al-Báb : Bayán Persan, 2/6 et 7/13
  23. Al-Báb : Bayán Persan, 2/16, 2/17 et 3/15
  24. Shoghi Effendi : "Dieu passe près de nous", pp. 40-41
  25. John Walbridge : "Essays and Notes on Bábí and Bahá'í History", chapitre 3 dans "H-Bahai Digital Library"
  26. Denis MacEoin : "Deconstructing and Reconstructing the Shari'a : the Bábí and Bahá'í Solutions to the Problem of Immutability dans bahai-library. org
  27. John Walbridge, "Essays and Notes on Bábí and Bahá'í History", chapitre 3 dans "H-Bahai Digital Library"
  28. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 2
  29. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 7
  30. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitres 8 et 9
  31. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 10
  32. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 13
  33. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 17
  34. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 16
  35. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 18
  36. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 19
  37. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 20
  38. "The Primal Point's Will and Testament" traduit du persan en anglais et commenté par Sepehr Manuchehri (2004) dans "Research Notes in Shaykhi, Babi and Bahá'í Studies" (Vol. 7, No. 2)
  39. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 22
  40. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 23
  41. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 24
  42. Muḥammad-i-Zarandí, op.  cit. , chapitre 26
  43. Shoghi Effendi, op.  cit. , chapitre 6, pp. 126-129
  44. Shoghi Effendi, op.  cit. , chapitre 7, pp. 131-150
  45. Shoghi Effendi, op.  cit. , chapitre 7, pp. 150-158
  46. Shoghi Effendi, op.  cit. , chapitre 9
  47. "The Primal Point's Will and Testament" traduit du persan en anglais et commenté par Sepehr Manuchehri (2004)
  48. Lettre de la Maison Universelle de Justice adressée à un baha'i le 4 août 1980
  49. Shoghi Effendi, op.  cit. , chapitre 10
  50. Article en anglais de la Encyclopædia of the Orient
  51. Article en anglais de Denis MacEoin dans l'Encyclopædia Iranica
  52. Shoghi Effendi, op.  cit. , chapitre 6, p. 115
  53. Shoghi Effendi, op.  cit. , chapitre 4, pp. 75-76

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

Pour l'étude du babisme, nous disposons des travaux fondamentaux et presque contemporains de l'orientaliste britannique Edward Granville Browne (1862-1926), professeur à l'université de Cambridge, et de Louis Alphonse Daniel Nicolas (1864-1938, dit "A. L. M. Nicolas"). Ce dernier était un citoyen français né en Perse, qui devint interprète en chef à la légation française de Téhéran et se convertit au babisme, devenant ainsi le premier babi occidental connu. Il traduisit en français les principaux écrits du Báb, qui furent édités à Paris dès le début du XXe siècle.

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