Millet

Le terme ottoman millet sert à désigner une communauté religieuse légalement protégée. Il concerne aussi les minorités. Il vient du mot arabe milla, communauté confessionnelle, qui est aussi utilisé pour désigner les quartiers juifs au Maroc ou en Tunisie.



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Le terme ottoman millet sert à désigner une communauté religieuse légalement protégée. Il concerne aussi les minorités (voir gens du livre et dhimmi). Il vient du mot arabe milla, communauté confessionnelle (aussi taïfa, d'où taïfiyya ), qui est aussi utilisé (mellah) pour désigner les quartiers juifs au Maroc ou en Tunisie. En turc moderne, milliyet veut dire nation.

Principes

Le millet était la mise en œuvre par le pouvoir ottoman d'un contrôle des populations qui y vivaient au moyen d'une religion organisée dont il nommait les dignitaires. La langue pouvait jouer un rôle, mais c'est en premier lieu la religion qui définissait le millet. Ainsi l'ensemble des orthodoxes relevant du Patriarcat de Constantinople formaient le millet des Rum (ex-sujets de l'Empire romain d'orient) quelles que fussent leurs langues. De même, l'ensemble des adeptes de l'islam sunnite relevant du sultan ottoman, «Calife commandeur des croyants» formaient un seul millet, qu'ils fussent Turcs, Kurdes, Lazes, Géorgiens ou Arabes.

Les langues de l'Empire ottoman et de ses vassaux à son apogée (XVIe siècle)
Les Millets de l'Empire ottoman et de ses vassaux à son apogée (XVIe siècle)

Dans cet empire, la politique à l'égard des Millet a varié au gré des circonstances, passant de la plus grande tolérance et intégration (les aristocrates byzantins de Constantinople furent ministres, chefs de la flotte, Voïvodes dans les principautés chrétiennes vassales) aux plus terribles massacres (le plus connu est celui des Arméniens, mais ce dernier était déjà le reflet d'une idéologie moderne). Les conversions forcées étaient plutôt rares : on connaît le cas des Géorgiens de la région de Kars, de certaines tribus albanaises catholiques du Monténégro. L'immense majorité des conversions, de la Bosnie au fin fond de l'Anatolie en passant par les Pomaques, s'est faite chez les chrétiens pauvres pour ne plus payer le Haraç (double imposition sur les non-musulmans) et ne plus se faire enlever leurs fils pour les Yeni-çeri (Janissaires). C'est pourquoi les Turcs actuels de Turquie sont , en majorité, de type caucasien, tandis que les peuples turcs d'Asie centrale ont un phénotype asiatique. Et c'est pourquoi au XIXe siècle, la majorité des membres des millets Rum et Arménien était plutôt composée de propriétaires et de commerçants aisés que de pauvres manœuvres, car seuls les gens aisés pouvaient facilement payer le Haraç.

Soucieux de tenir au mieux des populations, originellement nombreuses, qu'il ne voulait ni exterminer ni convertir de force, l'Empire ottoman n'a jamais appliqué à la lettre les prescriptions qui touchent les dhimmis (zimmi en turc) dans la loi islamique. Au contraire, il a même favorisé le développement de certaines Églises, comme l'Église orthodoxe serbe, dont il étendit l'autorité (Patriarcat de Peć) sur le Banat, la Transylvanie et la Bosnie à partir du XVe siècle. C'est que développer l'Église orthodoxe, ou «la nation grecque», comme on les confondait alors, lui permettait de supplanter le catholicisme dont la hiérarchie échappait bien davantage à l'autorité du sultan. Cependant, l'Empire ottoman admit aussi que des puissances à majorité chrétienne (Britanniques, Français, Allemands, Autrichiens, Italiens, Russes), puissent être, par des traités nommés capitulations (parce qu'ils étaient divisés en chapitres), les protectrices attitrées de certaines Églises sur son sol (surtout celles faisant allégeance au pape : chaldéens, maronites, syriaques, uniates). Cette protection pouvait s'étendre à des familles (par exemple des arméniens catholiques tels la famille Balladur, sous protection française).

Ayant progressivement remplacé le dispositif féodal par une administration centralisée de type occidental, l'Empire ottoman finit par considérer les millets comme des «nations», identification que les populations concernées finirent par partager : c'est ainsi que les populations orthodoxes des Balkans, qui n'ont eu pendant des siècles aucune autre référence nationale que leur Églises, continuent actuellement à ne considérer comme des concitoyens à part entière que ceux qui partagent leur religion. Paradoxalement, le dispositif des millets, qui traduisait une certaine tolérance religieuse, a participé à l'émergence d'une certaine intolérance chez les peuples soumis, intolérance dont la manifestation la plus extrême est le nettoyage ethnique.

Traduction concrète du concept

Le terme ottoman millet fait particulièrement référence à un ensemble institutionnel autonome. Cet ensemble formait une communauté reconnue comme telle et pourvue :

Les millets avaient une autonomie assez étendue, ils élaboraient leurs propres lois (essentiellement en matière de statut personnel), collectaient et géraient des taxes différentes, le tout en contrepartie d'une loyauté envers l'Empire ottoman. Lorsque un membre d'un millet commettait un crime à l'encontre d'un membre d'un autre, la loi de la personne lésée était d'application, toute dispute impliquant un musulman tombait sous le coup de la charia.

Des non-musulmans ont exercé de hautes responsabilités au sein de l'Empire ottoman, l'existence des millets n'équivalait pas obligatoirement à une exclusion des sphères du pouvoir séculier.

Au XIXe siècle, des assemblées laïques furent mises en place aux côtés de la hiérarchie religieuse au sein des différents millets, les Arméniens apostoliques se dotèrent par exemple en 1863 d'une constitution, directement inspirée de la française, et dont le principal rédacteur participa aussi à l'élaboration de la constitution ottomane de 1876 et de celle de 1895.

Étendue du concept

Le dispositif des Millet dérive du droit islamique, avec les notions de Dar-al-Islam («maison de la soumission à Dieu» ou monde islamique : les musulmans), Dar-al-Ahd (maison de la trêve ou monde des soumis ou Dhimmis, des vassaux et des alliés, avec lesquels les musulmans sont en paix) et Dar-al-Harb («maison de la guerre» ou monde ennemi avec lequel les musulmans sont en conflit). Les Millets non-musulmans s'intègrent dans le Dar-al-Ahd comme Dhimmis. Le premier millet : Rum milleti, reconnu dès la prise de Constantinople (1453), correspondait à l'Église orthodoxe. Le second à être reconnu, au moment de la prise de Trébizonde (1461), fut le millet arménien (millet-i sadika, «millet fidèle», avec juridiction sur l'ensemble des chrétiens d'Orient (assyriens, coptes, syriaques, catholiques et même bogomiles). Le troisième fut le millet juif, dès la fin du XVe siècle (mais sans charte officielle avant 1839).

Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, d'autres millets furent créés pour les Églises chrétiennes d'Orient, pour les uniates (un millet catholique unique reconnu par le Traité d'Andrinople de 1829, confirmé par un firman de 1830), pour les protestants (arméniens, assyriens ou arabes), mais également pour deux communautés juives hétérodoxes :

Ces communautés ont continué à être reconnues, jusqu'à actuellement, par les États successeurs de l'Empire ottoman.

L'Église orthodoxe bulgare se forma en Église autocéphale et obtint le statut de millet à part entière (avec juridiction sur les Bulgares orthodoxes de tout l'empire) en 1870. Deux ans plus tard, cela lui valut d'être provisoirement excommuniée pour «phylétisme» (séparatisme ethnonational) par le patriarche œcuménique de Constantinople, mais son exemple n'en fut pas moins suivi par l'Église orthodoxe roumaine.

Des tentatives de mise sur pied d'Églises différentes, et par conséquent de millets potentiels, par les Albanais, les Slavo-Macédoniens ou les Aroumains échouèrent devant l'opposition cumulée de la hiérarchie orthodoxe grecque et des nationalistes grecs, qui voulaient reconstituer l'Empire byzantin avec Constantinople pour capitale : un projet connu sous le nom de Μεγάλη Ιδέα (Megali Idea, «Grande Idée») qui s'acheva par la Megali Katastrofi («Grande Catastrophe»)  : l'épuration ethnique de deux ou trois millions de Pontiques et de Micrasiates, y compris de nombreux membres du Rum milleti non-grecs (Lazes, Géorgiens, Arabes, Turcs orthodoxes), massacrés ou expulsés en 1922-24.

En 1914, il y avait une quinzaine de millets dans l'Empire ottoman : Arméniens catholiques (1829 ou 1830), Arméniens grégoriens, Bulgares orthodoxes (1870), catholiques latins, Chaldéens catholiques (1844 ou 1861), Grecs-orthodoxes (1453), Juifs, karaïm (1900), maronites, melkites catholiques (1834), Nestoriens, protestants arméniens (1850), protestants arabes, Syriens catholiques, Syriens jacobites (1882) et Samaritains.

Il n'y avait par contre pas de millet correspondant aux minorités religieuses dérivées de l'islam (chiites, ismaïliens, alaouites, baha'is, Druzes, yézidis) même si les Druzes ont bénéficié, au Mont-Liban et au Djebel Druze, d'une autonomie de type féodal non assimilable au dispositif du millet. La totalité des musulmans était reconnu comme un millet unique sous la direction du sultan ottoman, calife des musulmans.

Didar-i Hürriyet kurtarılıyor (la Liberté sauvée)  : carte postale de 1895 saluant la constitution ottomane du 23 novembre 1876, figurant le sultan Abdul-Hamid, les différents millets de l'empire (Turcs avec les drapeaux rouges, Arabes avec les drapeaux verts, Arméniens, Rum grecs) et la Turquie (non voilée) se relevant de ses chaînes. L'ange symbolisant l'émancipation porte une écharpe avec les mentions «Liberté, Égalité, Fraternité» en turc et grec.

Lors de la mise en place de la constitution du 23 novembre 1876 et lors de la révolution de 1908 qui la remit en vigueur, une grande partie des élites défendait toujours l'idée d'une identité ottomane dépassant les clivages religieux et ethniques. Mais au tout début du XXe siècle, le dispositif des millets fut de plus en plus utilisé par les puissances européennes, chacune se proclamant protectrice de l'un ou l'autre Millet : les Russes pour les chrétiens orthodoxes, les Français pour les catholiques, les Britanniques pour les Juifs et les Druzes. Ceci, ajouté à l'élargissement des capitulations et au fait que c'étaient les membres les plus aisés de ces communautés soumises au Haraç qui leur restaient fidèles, donna aux panislamistes l'impression que ces millets jouissaient d'une prospérité et d'une extraterritorialité juridique de moins en moins acceptable. D'autre part, la montée des mouvements nationalistes au sein des millets tant musulman (Jeunes-Turcs) que non-musulmans finit par détruire irrémédiablement toute confiance entre ces ensembles. Par conséquent, les nationalistes turcs inscrirent à leur programme la fin des millets, perçus comme des États dans l'État et comme des têtes de pont des puissances européennes dans l'empire.

Un dispositif toujours en vigueur

Le dispositif de Millet a continué dans certains États post-ottomans, qu'il s'agisse de la Yougoslavie, de Chypre, du Liban, de la Syrie, de la Jordanie, de l'Égypte ou d'Israël, et dans une certaine mesure dans des États non-ottomans où existent des dispositifs identiques, au Maroc (tribunaux rabbiniques de statut personnel), en Iran et au Pakistan par exemple. Concrètement, cela veut dire que des statuts spécifiques sont reconnus à chaque communauté, ou alors que des tribunaux spécifiques à chaque confession reconnue jugent exclusivement les affaires de «statut personnel» (mariage, divorce, héritage, adoption), et occasionnellement(Liban, Jordanie, Iran, Autorité palestinienne, Pakistan) ces communautés disposent de sièges réservés au Parlement. Le principe austromarxiste et soviétique d'«autonomie nationale-culturelle» présente des similarités frappantes avec celui des millets ottomans, de même que, dans une certaine mesure, certaines conceptions du multiculturalisme, aux États-Unis, au Canada et en Australie surtout.

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